Rapport de la Cour de comptes sur les soutiens publics à l’ESS : un travail indispensable, des recommandations urgentes

Saisie par une sollicitation citoyenne, la Cour des comptes vient de faire paraître le premier rapport d’étude qu’elle consacre à l’Économie sociale et solidaire (ESS). Le constat est sans appel : loin du mythe d’une économie sur-subventionnée, elle dresse le tableau d’une ESS sous-financée et mal pilotée, alors même qu’elle agit au cœur des politiques publiques et de l’intérêt général.

 

L’ESS une économie sous perfusions ? C’est faux !

 
Jusqu’à la publication de ce rapport, les chiffres relatifs aux soutiens publics à l’ESS n’avaient jamais été agrégés. Et les chiffres mis en lumière par ce rapport parlent d’eux-mêmes : ils enterrent le mythe d’une économie sous perfusion et montrent au contraire la faiblesse des moyens octroyés à l’ESS en comparaison à l’économie conventionnelle.

La Cour indique ainsi que l’Etat consacre 16 milliards d’euros en soutien à l’ESS, soit 3,61 % des dépenses nettes de l’Etat en 2024 sous forme de subventions, d’aides aux postes, de produits de tarification, etc.

Alors que le Sénat a évalué à 211 milliards le montant des aides publiques aux entreprises, ces 16 milliards d’euros apportés en soutien à l’ESS ne représentent donc que 7 % du total des aides aux entreprises versées par l’Etat sans conditions ni contreparties. Par ailleurs, seules 4 % des structures de l’ESS touchent des subventions. Une goutte d’eau alors que l’ESS représente 13,7 % de l’emploi privé et que 80 % des subventions versées à l’ESS visent à garantir des droits ou assurer des services dans le prolongement de l’action de l’Etat.

Les chiffres présentés par la Cour démontrent également, qu’à champ constant et en corrigeant l’inflation, les subventions dédiées à l’ESS augmentent moins que le budget de l’Etat, et ce malgré l’augmentation des besoins sociaux auxquels l’ESS apporte des réponses. Ces éléments confirment l’insuffisance des moyens publics en soutien à l’ESS.

Néanmoins, dans son communiqué de presse, ESS France note que la Cour n’a pas effectué de travail d’agrégation des résultats des services rendus par l’ESS à la société et omet de rappeler que l’ensemble des transferts publics à l’ESS font l’objet de contreparties et de contraintes réglementaires significatives. Ce point paraît pourtant particulièrement essentiel, en miroir des aides publiques versées aux entreprises lucratives sans conditionnalité ni contrepartie.

Un bémol à ce rapport : l’angle mort qui persiste sur le trop faible soutien apporté à l’écosystème d’appui à l’ESS dont le rôle est pourtant essentiel. La situation des Chambres Régionales de l’ESS (CRESS) illustre bien les conséquences de la faiblesse de ces moyens : elles ne jouissent pas des moyens leur permettant de réaliser leurs missions légales de développement de l’ESS, des missions pourtant analogues à celles des réseaux consulaires qui agissent au profit de l’économie lucrative et dont on connaît l’ampleur des moyens.

 

Enfin une politique ambitieuse en faveur de l’ESS ?

 
Le rapport note également l’absence de pilotage stratégique de l’Etat des politiques publiques relatives à l’ESS, un état de fait depuis longtemps souligné par ESS France et le réseau des CRESS. Stabiliser l’approche de l’État en matière d’ESS figure d’ailleurs au premier rang des recommandations de la Cour.

La Cour recommande également la mise en œuvre d’un compte satellite ESS qui permettra de mieux connaître les réalisations de l’ESS ainsi que les tendances qui concernent les modèles économiques de ses entreprises et organisations.

De plus, la Cour encourage l’Etat et ses opérateurs, BPIFrance en particulier, à faire évoluer leur doctrine relative au financement des entreprises de l’ESS. Cette demande a récemment été formulée par ESS France au cours de la Conférence des Financeurs de l’ESS organisée à Bercy.

« Il y a dans cette reconnaissance quelque chose qui ressemble à une réparation. Non pas celle que nous espérions, mais celle que réclamait la vérité des faits. A la CRESS Occitanie, nous savons déjà que l’avenir économique passe par la coopération, l’utilité sociale, l’ancrage territorial. Que les actes - et les budgets suivent, ici comme ailleurs », a ainsi réagit Patrick Jacquot, président de la CRESS Occitanie. Car non, l’ESS n’est pas une économie à part, et il est temps de la reconnaître comme un pilier de notre modèle économique. Alors que la France doit adopter prochainement une stratégie nationale de développement de l’ESS, saisissons cette opportunité pour enfin déployer une politique ambitieuse en faveur de l’ESS !

Publié le 23 septembre 2025

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